Réforme des retraites

Points de vue d’expert | 12 juillet 2023

C’est un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre, et dont nous entendrons encore parler puisque tous les décrets ne sont pas encore sortis. En effet, ce ne sont pas moins de 31 textes d’application (27 décrets et 4 arrêtés) qui sont attendus d’ici la fin de l’été 2023 ! Ce qui est sûr, c’est que cette réforme, quoique controversée, entrera bel et bien en vigueur à compter du 1er septembre prochain. Voici un tour d’horizon des principales dispositions à avoir en tête.

Travailler progressivement plus longtemps  

La Loi opère un recul de l’âge à partir duquel la liquidation de la pension de Sécurité Sociale est possible, à raison de 3 mois par génération à partir du 1er septembre 2023, pour aboutir à un âge légal de 64 ans à l’horizon 2030.  Parallèlement, la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une pension complète passera de 41 ans et 9 mois (soit 167 trimestres) à 43 ans (soit 172 trimestres) dès 2027 (à raison d’un trimestre supplémentaire par an). 

L’âge permettant de bénéficier d’un taux plein automatique est, néanmoins, maintenu à 67 ans. Les premières personnes impactées par la mesure sont celles nées à compter de septembre 1961.  

Le tableau de synthèse reprend ces éléments, en établissant une comparaison « avant réforme » versus « après réforme ».

A noter : pour les assurés ayant demandé leur pension avant le 1er septembre 2023, et dont la retraite doit prendre effet à cette date, il est possible de bénéficier, s’ils le souhaitent, d’une annulation de leur pension ou de leur demande de pension jusqu’au 31 octobre 2023. 

L’effet cumulé de ces mesures conduit, sous réserve des cas particuliers, à un allongement de la durée de la carrière professionnelle du salarié. Cela implique donc de maintenir plus longtemps dans l’emploi des salariés plus âgés. 

Des mesures adaptées pour les personnes aux carrières longues et difficiles 

La retraite anticipée pour les carrières longues permet à celles et ceux qui ont commencé tôt leur activité de partir plus tôt à la retraite. Ce dispositif est rénové et prévoit désormais 4 bornes d’âge de départ à la retraite et les conditions suivantes : avoir commencé à travailler avant 16 ans pour un départ possible à 58 ans, 18 ans pour un départ possible à 60 ans, 20 ans pour un départ possible à 62 ans et 21 ans pour un départ possible à 63 ans. 

La règle générale des trimestres cotisés avant ces bornes d’âge ne change pas. En effet, pour être éligible au dispositif de la retraite anticipée pour carrière longue, il faut avoir cotisé 5 trimestres avant la fin de l’année civile de son 16ème, 18ème, 20ème ou 21ème anniversaire. Seuls 4 trimestres sont requis pour les personnes nées entre le 1er octobre et le 31 décembre. La durée d’assurance cotisée nécessaire pour bénéficier de ce dispositif est dorénavant réduite à celle exigée pour obtenir le taux plein (soit 172 trimestres), quel que soit l’âge de départ.

Par ailleurs, afin d’élargir les bénéficiaires de ces dispositions, peuvent être désormais prises en compte au titre de la carrière longue, l’ensemble des périodes au cours desquelles l’assuré a été bénéficiaire de certaines allocations (complément familial, allocation journalière de présence parentale, allocation journalière de proche aidant, périodes d’arrêt de travail pour élever un enfant) ou ayant eu en charge un enfant présentant un handicap. Ces périodes sont comptabilisées dans la limite de 4 trimestres. Certaines catégories de personnes pourront également bénéficier de départs anticipés pour raison de santé, situation de handicap, incapacité, ou inaptitude par exemples.  

Contribuer au maintien dans l’emploi des séniors  

Afin de limiter les ruptures de contrats de travail des salariés seniors, la Loi s’attache à durcir les conditions de départs en rupture conventionnelle, via notamment le traitement social de l’indemnité à la charge de l’employeur. En effet, l’idée de la réforme est de maintenir les seniors dans l’emploi. C’est dans cette optique que le gouvernement unifie le régime social des indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite. 

Ainsi, une contribution à la charge de l’employeur de 30% sur les indemnités de rupture conventionnelle homologuée exonérées de cotisations de sécurité sociale est instaurée et remplacera le forfait social de 20% auparavant applicable, et ce quel que soit l’âge du salarié. Cette contribution s’appliquera au titre des ruptures conventionnelles dont la date de rupture du contrat de travail intervient à compter du 1er septembre 2023.  

Notons que l’indemnité de rupture conventionnelle des salariés en âge de bénéficier d’une retraite reste soumise à l’impôt sur le revenu.

En ce qui concerne les indemnités de mises à la retraite, elles seront, elles aussi, assujetties à cette contribution patronale de 30% (en lieu et place de la contribution patronale de 50% actuellement en vigueur). 

Transitions entre l’activité et la retraite favorisées 

En outre, la Loi améliore les dispositifs permettant d’assurer une transition entre activité et retraite. La retraite progressive, qui permet de conserver une activité à temps partiel tout en liquidant une partie de sa retraite, ne pourra être refusée par l’entreprise que si celle-ci justifie, dans une réponse écrite et motivée sous un délai de 2 mois, que la durée de travail souhaitée est incompatible avec l’activité économique de l’entreprise. Le dispositif est également assoupli et étendu à l’ensemble des régimes.  

Le cumul emploi-retraite, lorsque le salarié remplit les conditions du cumul intégral, permettra à l’intéressé de se constituer désormais de nouveaux droits à pension, sous réserve que la reprise d’activité, si elle a lieu chez le dernier employeur, intervienne au plus tôt 6 mois après la liquidation de la retraite.

D’autres mesures sont également prévues dans le cadre par cette réforme des retraites (sur le thème du compte professionnel de prévention et de la prévention des risques par exemples), mais il nous semble pour le moment opportun de nous concentrer sur ces éléments essentiels, qui impactent l’ensemble des secteurs d’activité et qui sont couramment mobilisées. 

Conclusion  

Les entreprises sont des acteurs clefs de la préparation de la retraite de leurs salariés. Elles sont au cœur du système de retraite et doivent se confronter à sa complexité et à sa mouvance. Le report de l’âge légal de départ à la retraite va entraîner nécessairement des conséquences sur la gestion des départs, avec, qui plus est, un calendrier de mise en œuvre exceptionnellement rapide qui pourra générer, à court terme, des situations pouvant être difficiles à gérer pour les employeurs.  

Les employeurs pourraient également s’attendre à une augmentation de leur turn-over, de l’absentéisme ou encore du nombre d’invalidités, inaptitudes ou maladies professionnelles que les salariés pourraient chercher à faire reconnaître en plus grand nombre pour leur permettre d’accéder à des dispositifs de retraite anticipée. Ces risques sociaux méritent d’être évalués par l’entreprise et justifieront la mise en œuvre d’une politique particulière. Ces défis RH renforceront l’importance de la gestion des fins de carrière dans la politique RSE de l’entreprise. Voilà encore de beaux sujets à travailler !  

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