La réforme de l’abandon de poste

Actualités | 15 mai 2023

L’abandon de poste avant la réforme 

Jusqu’à présent, l’abandon de poste justifiait généralement par l’employeur l’application de la procédure disciplinaire (du simple avertissement jusqu’au licenciement pour faute simple ou faute grave). En effet, il était considéré que l’absence continue du salarié constituait pour l’employeur un préjudice l’empêchant de pouvoir sereinement organiser son activité. Cela justifiait, souvent, une rupture du contrat de travail du salarié absent. 

Bien sûr, un employeur avait également la possibilité, pour des raisons de prudence (attente de la connaissance de la situation réelle du salarié absent), ou de refus de se voir imposer par le salarié une situation qui avait parfois été annoncée, de se contenter d’acter la suspension du contrat. Cette dernière possibilité a été conservée, comme le précise le questions-réponses du ministère du Travail.

Objectif de la réforme

L’objectif de la réforme est double :  

  • Durcir le bénéfice de l’assurance chômage aux salariés ayant effectué un abandon de poste. A cet égard, rappelons qu’un licenciement pour faute, quel que soit le degré de gravité retenu, donne accès à l’assurance chômage puisqu’il est assimilé à une privation involontaire d’emploi ; 
  • Lutter contre la désertion ayant des effets néfastes sur l’organisation de l’employeur (selon le rapport présenté par le Sénat le 19 octobre 2022). 

Ainsi, tout salarié qui, volontairement, ne se présenterait plus au travail sans apporter aucune justification, se verra appliquer cette procédure, dont les conséquences financières pourraient être importantes. 

L’abandon de poste depuis le 19 avril 2023 

L’article R. 1237-13 du Code du travail dispose désormais que : « l’employeur qui constate que le salarié a abandonné son poste et entend faire valoir la présomption de démission prévue à l’article L. 1237-1-1 le met en demeure, par lettre recommandée ou par lettre remise en main-propre contre décharge, de justifier son absence et de reprendre son poste ». Ainsi, le salarié absent qui ne justifie pas, dans un délai de 15 jours calendaires au moins (selon le même article), de son absence et ne reprend pas son poste est présumé démissionnaire. 

Le Code du travail exclut néanmoins certains motifs légitimes qui permettraient d’écarter la présomption de démission à savoir, de manière non limitative, les raisons médicales, l’exercice du droit de grève, le refus d’une modification unilatérale du contrat de travail, le refus d’obéir à une instruction contraire à une réglementation et l’exercice du droit de retrait. Le questions-réponses du ministère du Travail publié le 18 avril clarifie les modalités de mise en œuvre de cette procédure. 

Il est ainsi noté que la mise en demeure doit : 

  • Indiquer le délai dans lequel le salarié doit reprendre son poste, délai qui ne doit pas être inférieur à 15 jours calendaires à compter de la présentation de la lettre recommandée ou de la lettre contre remise en main propre ; 
  • Préciser qu’une fois ce délai expiré, et sans reprise de son poste, le salarié sera présumé démissionnaire. Les conséquences du refus du salarié de reprendre son poste dans le délai indiqué peuvent également être inscrites : le salarié sera considéré comme démissionnaire à la date ultime de reprise fixée par l’employeur et ne pourra prétendre au bénéfice de l’assurance chômage ; 
  • Demander la raison de son absence au salarié afin d’en recueillir la justification.

L’employeur peut également indiquer dans la mise en demeure des informations relatives au préavis : ainsi, il peut préciser qu’il entend demander au salarié d’exécuter son préavis, l’en dispenser (en lui versant une indemnité compensatrice de préavis, ou se mettre d’accord avec lui pour que le préavis ne soit pas exécuté (aucune indemnité n’est alors versée). 

Si le salarié refuse d’exécuter son préavis, en ne répondant pas à la mise en demeure, aucune indemnité ne sera due par l’employeur au salarié en abandon de poste. A l’inverse, le salarié pourrait, en théorie, être amené à verser à l’employeur l’indemnité compensatrice correspondant aux sommes qu’il aurait perçues s’il avait exécuté son préavis. Précisons que le préavis théorique débute à compter du jour ultime fixé par l’employeur pour la reprise du travail du salarié en abandon de poste.

A savoir : contrairement à ce qui prévaut dans certaines conventions collectives concernant le formalisme lié à la démission, l’employeur n’a pas à demander à son salarié qui ne s’est pas manifesté à la suite de la mise en demeure de produire un écrit pour formaliser sa démission.

Le questions-réponses précise que la mise en demeure est régulièrement notifiée dès lors qu’elle a été présentée au domicile du salarié. A cet égard, la notification par lettre recommandée avec accusé de réception permettrait de limiter toute réclamation sur la date de présentation du courrier. 

Le salarié pourra saisir le Conseil de Prud’hommes pour contester la procédure de présomption de démission appliquée à son endroit. Celui-ci aurait alors, selon le ministère, un mois pour rendre sa décision, ce qui peut paraître ambitieux compte tenu des délais de procédure moyens au sein de certains Conseils de Prud’hommes. 

 

La question principale en suspens

les employeurs peuvent-ils choisir de ne pas appliquer la réforme aux situations d’abandon de poste? 

La formulation du décret semblait laisser à l’employeur le choix d’appliquer la présomption de démission, sous couvert de respecter un certain formalisme indiqué ci-dessus, tout en conservant la faculté d’opter pour une autre procédure disciplinaire comme un licenciement. 

Le questions-réponses du ministère du Travail, publié le même jour, présente néanmoins une toute autre interprétation de ce décret et semble refuser à l’entreprise le choix dans la procédure à suivre en cas d’abandon de poste. Le ministère précise que l’employeur qui désire mettre fin à la relation de travail avec le salarié qui a abandonné son poste « n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute » et « doit mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission ». 

Si le questions-réponses n’a pas de valeur contraignante auprès des différents acteurs impliqués (employeurs, salariés, juges), il clarifie néanmoins l’orientation retenue par le gouvernement, qui entend voir appliquer la réforme adoptée en décembre 2022. Le Conseil d’Etat, saisi sur cette question précise le 27 avril 2023, devrait rendre un avis prochainement. 

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