Nouvelles conditions de délivrance des reçus fiscaux
Points de vue d’expert | 8 décembre 2022
Mécénat
La loi confortant le respect des principes de la République redonne une place centrale aux reçus fiscaux. Ces reçus conforteront le bénéfice d’une réduction d’impôt au titre du mécénat. Les avantages fiscaux connus restent en revanche inchangés.
Les nouvelles conditions de délivrance des reçus fiscaux
Dans le cadre du financement de leur projet associatif et de leur développement, les associations peuvent avoir recours au mécénat et leurs donateurs bénéficier d’un avantage fiscal. Elles doivent se saisir de cette opportunité et prendre toute la mesure de leurs nouvelles obligations à l’occasion de la délivrance des reçus fiscaux.
Les organismes sans but lucratif (OSBL) bénéficiaires de dons ayant donné lieu à l’émission de reçus fiscaux doivent respecter une nouvelle obligation1 dont ils ont jusqu’au 31 décembre 2022 pour s’y conformer. Cela touche toutes les formes de dons. Lors de la délivrance des reçus fiscaux, la question de la valorisation se pose particulièrement pour les dons en nature et le mécénat de compétences. Nul doute que cette obligation fait peser sur les associations un nouveau risque de contrôle de la part de l’administration fiscale, pour lequel les habituels points de vigilance doivent être plus que jamais identifiés.
Loi du 24 août 2021 : de nouvelles obligations
La loi confortant le respect des principes de la République2 a redonné une place centrale aux reçus fiscaux pour conforter le bénéfice d’une réduction d’impôt. Les OSBL doivent dorénavant déclarer chaque année à l’administration fiscale le montant global des dons et versements perçus au cours de l’année civile précédente ou au cours du dernier exercice clos s’il ne coïncide pas avec l’année civile. Ces organismes doivent également déclarer le nombre de documents délivrés au titre de cette période ou de cet exercice3. Cette obligation s’applique pour les dons et versements reçus au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021. Les OSBL ont exceptionnellement cette année jusqu’au 31 décembre 2022 pour faire leur déclaration.
Côté donateurs, le bénéfice de la réduction d’impôt prévue à l’article 238 bis du code général des impôts (CGI) est désormais subordonné à la condition que l’entreprise soit en mesure de présenter, à la demande de l’administration fiscale, le reçu fiscal répondant à un modèle fixé par l’administration et attestant la réalité des dons et versements. Ainsi, pour satisfaire à cette obligation, les organismes bénéficiaires des dons et versements devront délivrer aux entreprises donatrices le reçu fiscal dont le modèle est fixé par l’administration, à savoir le formulaire no 2041-MEC-SD4.
Portée des nouvelles obligations
En premier lieu, le conditionnement du bénéfice de l’avantage fiscal est désormais lié à la présentation, en cas de demande, d’un reçu fiscal répondant au modèle fixé par l’administration. La délivrance du reçu fiscal incombe ainsi à l’organisme bénéficiaire du don et devient un élément de preuve de la réalité des dons et versements.
Également, une attention particulière sera portée aux modalités de justification des dons en nature. La valorisation relève de la responsabilité propre de celui qui effectue le don et non de l’organisme bénéficiaire, qui n’a pas à justifier de la valeur des biens et services reçus ou du montant de la rémunération du personnel mis à sa disposition par l’entreprise qu’il reporte sur le reçu fiscal.
Enfin, pèse sur l’organisme bénéficiaire du don une obligation d’exhaustivité de la description des dons en nature. Le reçu fiscal délivré par l’OSBL devra comporter, outre son identité, celle de l’entreprise donatrice et la (les) date(s) du(des) don(s), la description exhaustive (nature et quantités) des biens et services reçus qu’il a acceptés, le détail des salariés mis à disposition ainsi que le montant de leur valorisation telle qu’elle a été déterminée par l’entreprise5.
Maintien des avantages fiscaux connus
Il est à relever le maintien des avantages fiscaux connus. Pour les particuliers6, le montant de la réduction de l’impôt sur le revenu (IR) varie en fonction de la nature de l’objet social de l’association. Ainsi, les versements effectués au profit d’organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite de soins à des personnes en difficulté ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 75 % du montant de ces versements, retenus dans la limite de 1 000 euros (imposition des revenus 2021)7.
Pour l’ensemble des dons autres que ceux consentis aux organismes d’aide aux personnes en difficulté – donc aux organismes d’intérêt général –, la réduction d’impôt est égale à 66 % des sommes versées, retenus dans la limite de 20 % du revenu imposable. Lorsque les dons dépassent la limite de 20 %, l’excédent est reporté successivement sur les cinq années suivantes et ouvre droit à réduction d’impôt dans les mêmes conditions.
Pour les entreprises8, qu’elles soient soumises à l’IR ou à l’impôt sur les sociétés (IS), les sommes versées ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 60 % des versements effectués pour la fraction du don inférieure ou égale à 2 millions d’euros, dans la limite de 20 000 euros ou 5 ‰ du chiffre d’affaires des entreprises donatrices si ce dernier montant est supérieur à 20 000 euros. Elles ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 40 % du montant pour la fraction supérieure à 2 millions d’euros. Les versements excédant le plafond de 5 ‰ du chiffre d’affaires au cours d’un exercice N peuvent donner lieu à réduction d’impôt au titre des cinq exercices suivants, après prise en compte des versements effectués au titre de chacun de ces exercices, sans qu’il puisse en résulter un dépassement dudit plafond.
Enfin, pour les redevables de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI)9, la réduction d’impôt est égale à 75 % du montant des dons avec un plafonnement de l’avantage fiscal à 50 000 euros par an. Si le montant de la réduction d’impôt excède celui de l’IFI, la fraction non imputée ne peut donner lieu à remboursement ou à report.
Qualification des sommes reçues
Seuls ouvrent droit à une réduction d’impôt les versements effectués au titre du mécénat, défini comme un soutien financier, humain ou matériel apporté sans contrepartie directe ou indirecte de la part du bénéficiaire par une entreprise ou un particulier à une action ou activité d’intérêt général (culturelle, de recherche, humanitaire, sportive, etc.). Cette absence de contrepartie est un point central pour valablement qualifier les sommes reçues comme relevant du mécénat. Une tolérance est admise en fonction de la qualité du donateur, personne morale ou personne physique.
Pour les dons en provenance de personnes morales, la qualification fiscale de mécénat ne sera remise en cause que s’il n’existe pas une disproportion marquée entre les sommes reçues et la valorisation de la « prestation » rendue par l’organisme bénéficiaire10.
Pour les dons en provenance de particuliers, doivent être distingués les avantages au contenu purement institutionnel ou symbolique, d’une part, et les contreparties tangibles, sous forme de remises de biens ou de prestations de services, d’autre part. Il est ainsi admis que la remise de menus biens ou services ne remet pas en cause l’éligibilité des versements au régime du mécénat lorsque les biens ou les services remis par l’organisme à chaque donateur au cours d’une même année civile ont une valeur totale faible (73 euros au maximum)11 et présentent une disproportion marquée avec le montant du don versé. Une telle disproportion sera caractérisée par l’existence d’un rapport de 1 à 4 entre la valeur du bien et le montant du don ou de la cotisation.
Il en serait tout autrement en cas d’opération de parrainage. En effet, le mécénat doit se différencier du parrainage12 ou sponsoring, toujours sur la base de l’appréciation de la contrepartie attendue du donateur, le parrainage résultant de sommes versées par une entreprise à une association qui s’engage à réaliser une opération de communication ou de publicité en faveur de l’entreprise parraineuse.
Un mécénat pas uniquement financier
Si le mécénat financier est celui auquel il est le plus souvent fait référence, d’autres possibilités peuvent être offertes par les donateurs : le mécénat en nature et le mécénat de compétences. Le mécénat en nature consiste, pour l’entreprise, à donner des biens qui sont inscrits dans ses immobilisations ou ses stocks.
Le mécénat de compétences est notamment régi par la loi relative au mécénat, aux associations et aux fondations, dite « loi Aillagon », du 1er août 200313. Il consiste, pour une entreprise, à mettre à disposition un salarié sur son temps de travail au profit d’une structure éligible au mécénat. Le salarié reste sous la responsabilité de l’entreprise. Le mécénat de compétences peut également prendre la forme d’une mise à disposition de main-d’œuvre à but non lucratif, qui consiste, pour l’entreprise mécène, à mettre un ou plusieurs salariés gratuitement à la disposition d’une structure bénéficiaire éligible au mécénat.
Il est à préciser que le mécénat de compétences bénéficie des mêmes avantages fiscaux que le mécénat en nature : « une entreprise qui met gratuitement à disposition d’un organisme visé à l’article 238 bis du CGI, un de ses salariés quelques heures par semaine pour y exercer réellement et effectivement une activité consent un don en nature lui ouvrant droit au bénéfice de la réduction d’impôt prévue à l’article 238 bis du CGI »14.
Valorisation des différentes formes de mécénat
Pour les dons en numéraire, le montant pris en compte pour la détermination de la réduction d’impôt est égal au montant effectivement versé.Dans les cas de mécénat en nature ou de compétences, la valorisation du mécénat relève de la responsabilité propre de celui qui effectue le don15. L’organisme bénéficiaire n’a pas à justifier de la valeur du bien ou du service reçu. Dans le cas d’une valorisation erronée, le montant de la réduction d’impôt dont l’entreprise a bénéficié peut être remis en cause, y compris dans l’hypothèse où elle disposerait d’une attestation délivrée par l’organisme donataire.
Les dons en nature sont valorisés à la hauteur de leur valeur vénale pour les immobilisations et à leur coût de revient ou coût d’achat hors taxes pour les biens en stock. Le mécénat de compétences est valorisé au coût de revient pour la réalisation des prestations de services. Dans le cadre d’une mise à disposition de main-d’œuvre, la valorisation est réalisée sur la base du coût salarial, charges sociales incluses16. L’organisme bénéficiaire se fait communiquer par tout moyen le montant de la valorisation déterminé par l’entreprise donatrice, sous la responsabilité de cette dernière17. & cette décision dans l’annexe et donner une information sur leur nature et leur importance18.
Christine Raffray : expert-comptable diplômée, GMBA Walter Allinial
Jurisassociations, 668, 15 novembre 2022
1 CGI, art. 222 bis ; v. égal. JA 2022, no 667, p. 18, étude A.S. de Jotemps in dossier « Administration et fonctionnement – Devoirs surveillés ».
2 L. no 2021-1109 du 24 août 2021, JO du 25, art. 19 ; dossier « Principes républicains – Gar(d)e à vous ! », JA 2022, no 653, p. 15, spéc. p. 23, étude X. Delsol, A. Vié (LIEN A POSER).
3 CGI, art. 222 bis.
4 Cerfa no 16216.
5 BOFiP-Impôts, BOI-BIC-RICI-20-30-10-20 du 8 juin 2022, § 90.
6 CGI, art. 200.
7 La réduction d’impôt est accordée indépendamment de celle prévue pour l’ensemble des autres dons, en ce sens que les premiers 1 000 euros versés pour l’aide des personnes en difficulté ne sont pas pris en compte pour apprécier la limite de 20 % du revenu imposable.
8 CGI, art. 238 bis.
9 CGI, art. 978.
10 BOFiP-Impôts, BOI-BIC-RICI-20-30-10-20, préc., § 120.
11 BOFiP-Impôts, BOI-IR-RICI-250-20 du 12 sept. 2012, § 90 ; BOFiP-Impôts, BOI-IR-RICI-390 du 17 mai 2021, § 220.
12 V. en dernier lieu JA 2022, no 666, p. 50.
13 L. no 2003-709 du 1er août 2003 ; dossier « Mécénat de compétences – Satisfait et remboursé ! », JA 2020, no 612, p. 17.
14 BOFiP-Impôts, BOI-BIC-RICI-20-30-10-20 du 8 juin 2022, § 70.
15 Ibid., § 30.
16 Ibid., § 70. Néanmoins, la loi de finances pour 2020 précise que le coût salarial de chacun des salariés à retenir pour la base de la réduction fiscale est limité à trois fois le plafond de la Sécurité sociale ; L. no 2019-1479 du 28 déc. 2019, art. 134, réd. CGI, 238 bis, 1.
17 BOFiP-Impôts, BOI-BIC-RICI-20-30-10-20, préc., § 30.
18 Ibid., art. 211-4.