Gérer les aspects culturels lors d’une fusion/acquisition

Points de vue d’expert | 16 mai 2025

Dans le cadre d’une fusion et acquisition, l’intégration des cultures d’entreprise est un enjeu crucial qui peut influencer la réussite ou l’échec de l’opération. Un exemple parlant : la fusion entre Chrysler et Daimler-Benz en 1998, qui a finalement échoué en raison de divergences culturelles profondes. Malgré un potentiel industriel fort, les entreprises embarquent aussi avec elles : des cultures d’entreprise profondément enracinées, des années, voire des décennies, d’histoire et d’expérience, des visions, habitudes et manières d’interagir spécifiques. Ces éléments influencent autant les relations internes que les choix stratégiques. Ne pas en tenir compte, c’est jouer avec le feu.

Mauvais exemple parfait :  fusion Chrysler & Daimler-Benz

Une promesse industrielle qui vire au désastre culturel

Cette fusion entre deux géants de l’automobile promettait monts et merveilles : créer un leader mondial. Sur le papier, tout collait. Dans la réalité… pas du tout.

Les causes culturelles majeures de l’échec de la fusion-acquisition

  • Fortes divergences culturelles (valeurs, management, habitudes),
  • Produits mal assortis (voitures de luxe vs véhicules bon marché),
  • Aucune synergie concrète sur le terrain,
  • Conflits internes et décisions bloquées.

Résultat : séparation en 2007, après seulement neuf ans d’union compliquée.

Revenir aux fondamentaux : c’est quoi la culture d’entreprise ?

Avant d’aller plus loin, petit détour nécessaire. La culture d’entreprise, c’est quoi ?

  • Un socle commun de valeurs, de comportements, de traditions, qui guide les décisions et les relations.
  • L’ADN d’une entreprise, invisible mais omniprésent.
  • Ce qui influence la manière dont une entreprise agit, collabore, et évolue.

Selon Olivier Devillard et Dominique Rey dans Culture d’entreprise

. 1 : un actif stratégique, elle repose sur six piliers fondamentaux, inspirés de nombreuses recherches.

  1. l’orientation individuelle ou communautaire : Sens du collectif ou individualisme ?
  2. la relation à l’incertitude : Confiance et sens du lâcher-prise, capacité à prendre des risques, exploration et élan créatif.
  3. la relation à la puissance : accent porté sur le fait d’être « premier sur son marché » ? Porté sur la façon de mettre en avant leur hégémonie/implantation.
  4. les modes de raisonnement : « préférences pour des modes de raisonnement plus ou moins inductifs ou déductifs, plus ou moins synthétiques ou sensitifs ».
  5. le rapport au monde et à l’extérieur : Ouverture au monde, intérêt pour les tiers, relation à la nature, relation au temps.
  6. le dosage humain-production

 

Union prometteuse : récit de la  fusion Daimler-Chrysle

L’union Daimler-Chrysler : récit d’un naufrage annoncé

Sur le papier :

  • Chrysler : fun, design, leader des monospaces aux US,
  • Daimler : prestige, qualité, luxe allemand, fort en Europe.

Le tout semblait complémentaire.

Mais dans les faits :

  • Produits incompatibles,
  • Valeurs et styles de management opposés (rigueur allemande vs informalité américaine),
  • Difficultés à travailler ensemble, incompréhensions fréquentes,
  • Décisions lentes, tensions permanentes.

Cette fusion est devenue l’exemple type de ce qu’il ne faut pas faire : négliger la culture, croire que seuls les chiffres comptent. Et pourtant, la culture peut faire ou défaire une alliance.

Ne pas tomber dans le panneau :  anticiper l’échec d’une fusion

Explorer les cultures d’entreprise avant la signature du deal

Avant même de signer quoi que ce soit, il faut creuser plus loin que les indicateurs financiers :

  • Quelles sont les valeurs fondamentales de l’entreprise cible ?
  • Comment est perçue la hiérarchie ?
  • Quel rapport au risque, à l’innovation, à la gestion des conflits ?
  • Comment les collaborateurs intéragissent-ils ?

Faire une vraie « due diligence culturelle », c’est éviter des mauvaises surprises qui coûtent cher plus tard.

Intégrer consciemment les différences culturelles après la fusion

Une fois le deal signé, il ne faut surtout pas relâcher l’attention. L’intégration culturelle doit être :

  • anticipée, dès le début du processus,
  • pilotée activement, avec des outils et du dialogue,
  • ajustée en continu, avec des feedbacks terrain.

Quelques leviers efficaces :

  • Mettre en place des programmes de formation croisés pour découvrir l’autre culture,
  • Favoriser les groupes mixtes dans les projets clés,
  • Avoir des leaders exemplaires qui incarnent la volonté de convergence.

Construire une nouvelle identité commune pour garantir la post-fusion

Il ne s’agit pas de choisir une culture au détriment de l’autre, mais de construire une troisième voie, plus forte, plus cohérente.
Cela implique :

  • D’identifier ce qu’il faut conserver, abandonner ou transformer,
  • De créer de nouvelles traditions qui appartiennent aux deux,
  • D’encourager un climat de confiance et de respect mutuel.

Une intégration réussie donne naissance à une entreprise nouvelle, plus que la somme de ses parties.

Exemple de fusion réussie :  l’acquisition d’Android par Google

Une stratégie d’acquisition visionnaire

En 2005, Google rachète Android pour environ 50 millions de dollars. À l’époque, Android est encore une petite startup. Mais Google parie gros sur l’avenir du mobile. Plutôt que d’imposer ses méthodes, Google fait un choix rare dans une telle situation : respecter la culture d’Android.

Laisser vivre la culture Android [3]

  • Petites équipes autonomes,
  • Esprit start-up, agile et créatif,
  • Développement de projets parfois “hors norme”,
  • Flexibilité, ouverture aux partenaires extérieurs.

Google comprend que pour que ça marche :

  • Il faut donner de l’air,
  • Ne pas étouffer l’innovation,
  • Soutenir sans absorber.

Et ça paie : Android devient le système d’exploitation mobile le plus utilisé au monde.

[3] https://www.nytimes.com/2006/01/25/business/disney-agrees-to-acquire-pixar-in-a-74-billion-deal.html

 

Conclusion : dépasser l’aversion  aux changements & s’adapter

Fusionner deux entreprises, ce n’est pas juste une opération financière. C’est une rencontre entre deux mondes, deux histoires, deux manières de faire.

À retenir :

  • L’exemple Daimler-Chrysler nous met en garde : négliger la culture, c’est courir à l’échec.
  • L’exemple Google-Android montre qu’avec de l’écoute, de la souplesse et du respect, l’union peut créer un géant.

Réussir une fusion ou une acquisition, c’est accepter de remettre en question ses repères, de créer ensemble, et d’investir autant dans les humains que dans les chiffres.

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