L’intérêt d’une démarche de RSO pour un OSBL

Quel que soit le type d’organisation concerné, la mise en place d’une démarche de responsabilité sociétale est devenue indispensable pour répondre de façon pérenne aux exigences des parties prenantes et pour rester économiquement viable, tout en préservant l’environnement naturel et sociétal.

Pourquoi un organisme sans but lucratif (OSBL) devrait se lancer dans une démarche de responsabilité sociétale ? Deux raisons peuvent être avancées. Tout d’abord, parce que « sans but lucratif », l’OSBL pourrait appliquer au quotidien une démarche de responsabilité sociétale. Et c’est bien ainsi qu’il est perçu par le grand public. Ce n’est pourtant pas toujours le cas, même si l’on exclut du champ des OSBL ceux qui n’en sont pas en réalité, comme les grands clubs sportifs. Ensuite, parce que face aux enjeux actuels sociaux, économiques et environnementaux, il n’y a pas d’autres voies pour les organisations que de se transformer pour répondre aux exigences du monde à venir, pour appréhender ou créer les innovations indispensables et inéluctables dont notre société aura besoin et qui n’en sont qu’à leurs tout débuts… Tel est donc le modèle de développement qui s’imposera : la responsabilité sociétale des organisations (RSO)

LE SYSTÈME DE VALEURS…

Face aux incertitudes sur l’avenir, aux manques de repères, aux mobilités (géographiques, intellectuelles, etc.), les collaborateurs des organisations, OSBL ou autres, recherchent dans la vie professionnelle des projets qui « font sens ». La question du système de valeurs est celle que doit se poser toute organisation. Proposer une vision à long terme qui soit réfléchie et donne une raison d’être à l’organisation, accompagnée d’objectifs clairement définis, permet de répondre aux attentes des parties prenantes dans leur sens le plus large.

… ET LES PARTIES PRENANTES

La première exigence, lorsqu’on se lance dans une démarche de RSO, est la définition de ses parties prenantes. L’objectif est double :

  • Inventorier toutes les composantes (internes et externes) de l’« écosystème » de l’organisation qui seront directement impactées par l’activité de celle-ci ;
  • Instaurer un dialogue avec ces parties prenantes.

Concrètement, en même temps que le choix évolutif des parties prenantes avec lesquelles coconstruire les relations futures – celles sans lesquelles l’organisation ne sera pas « durable » -, il faut définir les enjeux pertinents sur lesquels développer sa démarche, respecter dans le dialogue les intérêts éventuellement divergents des uns et des autres et rendre compte régulièrement des avancées de la démarche.

Certaines parties prenantes sont spécifiques aux OSBL : certains formats d’équipe bien sûr, mais également les partenaires et/ou financeurs, les membres dans le cas d’une association, les donateurs, voire le grand public, ou encore les médias. Ces parties prenantes peuvent revêtir une importance différente selon les OSBL, mais elles recouvrent aussi des champs si variés qu’il est nécessaire de prévoir des stratégies et des moyens clairement définis pour les prendre en compte. La transparence dans l’information « imposée » par les nouveaux modes de communication conduit les organisations à ne plus travailler en silos étanches entre les uns et les autres car, dorénavant, « tout se sait ».

L’équipe – la « richesse humaine » – est désignée comme l’une des parties prenantes les plus importantes pour toute démarche de RSO. Au sein d’un OSBL, il peut s’agir de dirigeants salariés, de dirigeants élus, de salariés non dirigeants et de bénévoles, le cas échéant. La participation de bénévoles, élus ou non, dans la gestion de l’activité et donc dans l’organisation du travail est en effet une des particularités possibles des OSBL.

Par ailleurs, il va de soi que la gestion des ressources humaines au sens légal est considérée comme acquise, toute démarche de RSO se devant d’aller au-delà de la stricte application de la réglementation du droit du travail.

GÉRER LES RISQUES

Un OSBL, comme toute « entreprise », doit limiter l’ensemble de ses risques. Cette précaution peut être d’autant plus essentielle si l’organisme fait appel à des dons et/ou se trouve régulièrement mis en avant par les médias. Le grand public voit un OSBL comme un organisme se devant, dans son essence même, d’être inattaquable d’un point de vue éthique. Un déficit d’image peut être redoutable. Un « mauvais » management d’équipe coûte cher à toute organisation. Un management adéquat doit donc a minima limiter le risque :

  • de turn-over ;
  • de manque de ressources (manque de formation du personnel) ;
  • de perte des talents et des compétences (dépendance à des salariés, fuite du savoir) ;
  • de conflits sociaux (grèves, négociations tendues, etc.) ;
  • de baisse de la productivité (démotivation) ;
  • d’accidents du travail ou d’accidents de la vie (burn-out).

Les risques financiers d’un OSBL reposent essentiellement sur deux considérations. Comme pour toute autre entreprise, un déficit d’image dû à une mauvaise gestion peut ainsi jouer sur la « clientèle », qui peut être composée en l’occurrence de donateurs, mais aussi sur l’équipe, qui peut ressentir une perte de « sens ».

De façon spécifique compte tenu des aides reçues par les OSBL (subventions et mécénat), il est encore plus important pour eux de minimiser tout risque financier en appliquant de façon assez draconienne les principes d’une gestion RSO.

Les erreurs d’investissement – qui ont un impact aussi bien sur les finances que sur le management et l’image – sont également limitables par un dialogue fécond avec les parties prenantes, qui, pour rappel, peuvent être externes à l’organisation. Coconstruire une stratégie durable, via une gouvernance « responsable » et un dialogue avec les parties prenantes, est une méthode efficace. Afin de piloter son organisation, il est donc nécessaire de se choisir une gouvernance qui puisse répondre aux axes stratégiques, de savoir la « revisiter » et la modifier chaque fois que de besoin – ce qui ne signifie pas pour autant une remise en cause systématique. Dans cet objectif, la meilleure méthode est d’être régulièrement challengé par ses parties prenantes et/ou par un auditeur externe. Cela est d’autant plus vrai pour un OSBL, dans lequel la gouvernance est souvent un mélange d’élus et de salariés. Cette méthode permet aussi de redéfinir sainement « qui fait quoi » au sein de la direction.

APPORTS DE LA RSO SUR LE MANAGEMENT GLOBAL DE L’ORGANISATION

Facteur de différenciation

Les nouvelles générations sont plus volages que les anciennes. À une époque où trouver les profils souhaités et parvenir à les fidéliser n’est pas chose aisée, proposer une démarche globale et formalisée de RSO, avec des actions identifiables et mesurables et ne relevant pas d’une gestion simplement paternaliste, est peu répandu dans les OSBL. Il s’agit donc d’un élément différenciant déterminant.

Par ailleurs, l’adhésion des salariés – et bien sûr des bénévoles – à la raison d’être de l’OSBL est souvent un facteur décisif pour leur recrutement : il est d’autant plus important de ne pas décevoir. Les objectifs affichés de l’OSBL ne doivent pas faire oublier l’indispensable gestion humaine. Il est donc nécessaire d’instaurer des processus permanents de contrôle et d’amélioration.

Anticiper les conflits : prévenir plutôt que guérir

Instaurer un dialogue direct et formalisé avec son équipe permet de désamorcer les non-dits qui pourraient dégénérer. Il peut être très compliqué de gérer une équipe composée de salariés et de bénévoles, dont les tâches et/ou les prérogatives peuvent empiéter les unes sur les autres. Dans tous les cas d’équipe mixte, il est indispensable de travailler le management desdites équipes très en amont pour que la relation entre des personnes aux intérêts non identiques, voire contradictoires parfois, ne crée pas de déséquilibres. Le bénévole peut ainsi être engagé dans une militance active débordant un cadre de travail (horaires, comportement), alors que le salarié peut se montrer plus enclin à rechercher l’efficacité des actions de façon professionnelle. Les possibilités de travail dématérialisé augmentent également les risques de frustration entre ces deux types de population qui pourraient être appelés à ne se côtoyer que rarement. Il en est de même des dirigeants salariés ou élus de l’OSBL, qui peuvent souvent ne pas avoir, et sans que cela soit exprimé, les mêmes objectifs.

Une démarche de RSO permet de mettre en place des actions préventives, de rechercher – avec l’appui éventuel d’un conseil externe – les bonnes pratiques managériales, de formaliser les engagements et de s’imposer un suivi. Ce suivi permet une amélioration continue des méthodes de management de l’OSBL.

Favoriser la libre expression

Les collaborateurs d’une organisation passent un temps non négligeable à discuter de cette organisation, de leurs conditions de travail, de la gestion de l’activité. Ces échanges restent le plus souvent informels et ne sont pas utilisés comme de véritables contributions, notamment dans le cadre d’un management complexe et d’une activité relevant des secteurs sociaux, culturels ou du monde associatif.

Favoriser une démarche encourageant la parole et la considérer comme une force de proposition montre la capacité d’ouverture d’esprit et d’écoute du management. Un conseil extérieur peut permettre là aussi de capitaliser sur la spontanéité des échanges. Cela est particulièrement d’actualité alors que l’on propose de débattre publiquement de tout sujet depuis quelques mois, ce que l’entreprise, et encore plus l’OSBL, ne peuvent mettre de côté.

Qualité de vie au travail

Il arrive que, dans le monde des OSBL, les conditions matérielles de travail ne soient pas la préoccupation primordiale. Les risques psychosociaux sont également souvent évacués sous prétexte de la mission de l’OSBL : une organisation de défense des droits humains peut ainsi oblitérer le malaise de salariés et/ou bénévoles « pensant » que la mission en elle-même est suffisante pour pallier les difficultés de travail. Gérer l’organisation à travers le prisme de la RSO permettra de ne pas passer à côté de véritables problèmes sous-jacents. À ce titre, un diagnostic de l’existant pourra être établi, de même qu’une comparaison avec d’autres structures de même niveau, des discussions pourront être lancées avec les collaborateurs concernés, avec les visiteurs afin de mettre en place une démarche de progrès forcément formalisée pour en suivre les résultats.

  II EST VIVEMENT RECOMMANDÉ AUX OSBL DE SE METTRE DANS LE SENS QUE PREND LE MONDE D’AUJOURD’HUI ET DE S’ATTELER À LA TÂCHE DE L’AMÉLIORATION DES PROCESSUS. LE MEILLEUR MOYEN RESTE DE SE CHOISIR UNE DÉMARCHE DE RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE AVEC LABELLISATION.

Quid du manager ?

Le management est une notion qui comporte de multiples sens selon les contextes. On parle de management de projets, d’entreprises ou encore d’équipes. Mais, dans tous les cas, le style de management est difficilement duplicable d’un manager à un autre dans la mesure où cette pratique, qui s’acquiert, fait aussi appel à des qualités humaines innées, à un vécu ou encore à des valeurs différentes.

Le manager d’un OSBL, parce qu’il travaille dans un domaine qui ne relève pas – ou pas directement – de la sphère économique « de marché », peut ne pas avoir la même formation ou les mêmes réflexes qu’un manager d’entreprise classique, bien que cela ait tendance à changer. Manager demande de l’empathie, de l’écoute, de l’ouverture d’esprit, un sens de la pédagogie, de la gestion du temps, la capacité de tenir des réunions constructives, de déléguer, d’accompagner et, enfin, de faire adhérer son équipe au projet choisi. Le manager n’a pas de grande marge d’erreur.

L’accompagnement, voire le coaching ou a minima la formation peuvent se révéler nécessaires. Ce champ-là sera également inspecté lors de la formalisation d’une démarche de RSO. Il sera ainsi possible de repérer et de soutenir celle ou celui qui se doit d’être présent pour les autres. Sans une démarche avérée, il y a de forts risques pour que le manager se retrouve seul, pris dans son angoisse de ne pas s’en sortir et incapable de reconnaître son besoin d’aide. À l’inverse, certains dirigeants d’OSBL oublient que l’OSBL est une « entreprise », même sans être juridiquement une société, qui doit appliquer des règles identiques, notamment au niveau du contrôle interne (frais, dépenses, etc.).

Environnement naturel et apport sociétal

Les préoccupations envers la protection de l’environnement naturel sont étrangement souvent évacuées dans les OSBL. À ce titre, ce type d’organisation est plutôt en retard par rapport à de nombreuses entreprises de même taille. Il s’agit pourtant d’un point très important pour la plupart des parties prenantes, par exemple les membres ou bénévoles d’une association qui viennent d’autres milieux socio-culturels ou économiques. Il semble qu’il y ait là un large champ d’améliorations possibles pour les OSBL.

En conclusion, il est vivement recommandé aux OSBL de se mettre dans le sens que prend le monde d’aujourd’hui et de s’atteler à la tâche de l’amélioration des processus. Le meilleur moyen reste de se choisir une démarche de responsabilité sociétale avec labellisation, qui impose des engagements identifiables et mesurables, les résultats devant être audités par des tiers extérieurs.

Juris Associations 598 | 1er mai 2019