Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat
Points de vue d’expert | 11 mars 2020
Rémunération
La « prime Macron » version 2020
La contestation née en fin d’année 2018 contre la baisse du pouvoir d’achat avait conduit le gouvernement à prendre diverses mesures en urgence, parmi lesquelles l’instauration d’une « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ». La prime est reconduite en 2020 avec des changements. Eclairage.
Etude
Qu’est-ce que la « prime Macron » ?
Dans sa première version en 2019, elle était destinée à permettre à certaines entreprises, sous certaines conditions, de verser exceptionnellement une somme d’argent aux salariés en fin d’année. Cette prime était exonérée de charges sociales salariales et patronales, de prélèvements sociaux et exemptée d’impôt sur le revenu, dans la limite de 1 000 euros par salarié.
Selon un sondage de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) publié à la fin du mois de février 2019, près des trois quarts des entreprises interrogées avaient indiqué qu’elles verseraient une prime exceptionnelle à leurs collaborateurs, pour un montant moyen de 532 euros. Deux millions de salariés avaient ainsi pu en bénéficier en 2019.
Selon un bilan dressé par Matignon le 2 mai 2019, c’est finalement 5,5 millions de salariés qui ont touché une prime pour un montant moyen de 400 euros.
Un an après, l’exécutif a, au travers de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS), reconduit le dispositif pour l’année 2020, sous certaines conditions.
Les conditions déjà existantes
En 2020, les exonérations sociales et fiscales sont conditionnées au respect de plusieurs conditions cumulatives, qui, pour la plupart, existaient déjà dans la version 2019. Notamment :
- elle ne doit pas se substituer à des primes prévues par le contrat de travail ou par les usages, ni à des augmentations de salaire ;
- elle est mise en place au choix de l’entreprise. La prime doit être prévue :
- soit par un accord d’entreprise, selon les modalités de conclusion d’un accord d’intéressement, ce qui laisse plusieurs options ouvertes, y compris la voie du référendum dans certains cas ;
- soit par une décision unilatérale de l’employeur. Dans ce cas, le comité social et économique (CSE), s’il existe, doit être informé avant le versement de la prime mais il n’est pas nécessaire de procéder à une consultation préalable.
Les employeurs concernés
Les employeurs pouvant envisager de verser la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat à leurs salariés sont :
- les employeurs soumis à l’obligation de s’affilier à l’Unedic (entreprises, professions libérales, associations, établissements publics à caractère industriel et commercial) ;
- les entreprises contrôlées majoritairement par l’Etat (comme par exemple, La Poste, la RATP, la Banque de France, etc.) ;
- les entreprises de la branche professionnelle des industries électriques et gazières soumis au statut national du personnel des industries électriques et gazières.
Les salariés éligibles
Cette prime est accessible aux salariés dont la rémunération ne dépasse pas trois fois le SMIC annuel. Ce montant est proratisé en fonction de la durée de travail contractuelle. La rémunération à prendre en compte est celle des douze mois qui précédent le versement de la prime.
Il n’y a pas de montant minimum ou maximum, mais la prime ne bénéficiera des exonérations que dans la limite de 1 000 euros par salarié (si un employeur décide de verser une somme plus élevée, seule la fraction excédentaire sera assujettie à cotisations et à impôt sur le revenu).
La liste des personnes pouvant prétendre au versement de cette prime a été allongée. Désormais, peuvent en bénéficier :
- les salariés titulaires d’un contrat de travail, non plus au 31 décembre, mais à la date du versement de la prime (les apprentis et les mandataires sociaux titulaires d’un contrat de travail sont logiquement compris) ;
- les intérimaires ;
- les travailleurs handicapés qui bénéficient d’un contrat de soutien et d’aide à l’emploi et relevant d’un établissement et service d’aide par le travail (ESAT), sous certaines conditions.
Modulation des critères d’attribution
C’est à l’accord ou à la décision unilatérale de fixer les conditions d’attribution de la prime. Elle peut viser tous les salariés ou ceux dont la rémunération n’excède pas un plafond déterminé. Il est également possible de prévoir dans l’accord ou la décision unilatérale une modulation du montant de la prime en fonction de critères limitativement énumérés (niveau de qualification ou de classification, durée de présence effective l’année précédente, rémunération, etc.). A défaut, la prime ne pourra pas être exonérée.
Les nouveautés 2020
Alors que la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat 2019 devait être impérativement versée entre le 11 décembre 2018 et le 31 mars 2019, la période de versement 2020 court dès le lendemain de la publication de la LFSS 2020 au Journal officiel (soit le 28 décembre 2019) et jusqu’au 30 juin 2020.
Grande nouveauté de 2020, un accord d’intéressement doit désormais être en place à la date de versement de la prime, soit au 30 juin 2020 maximum. Rappelons-le, un accord d’intéressement est un dispositif d’épargne salariale permettant d’associer les salariés de l’entreprise à ses résultats. A contrario de l’accord de participation, l’accord d’intéressement n’est pas obligatoire, même dans les entreprises de plus de 50 salariés.
Concrètement, soit les entreprises disposent déjà d’un dispositif d’intéressement, soit elles devront en conclure un dans les formes requises. Cette dernière obligation a fait couler beaucoup d’encre. Certes, elle s’inscrit dans la logique gouvernementale d’incitation au développement de l’épargne salariale et de levier de financement de l’économie réelle. La mise en place de dispositifs d’épargnes salariales est, par ailleurs, un outil puissant de fidélisation des collaborateurs, en même temps qu’il permet un système d’épargne avantageux d’un point de vue social (les sommes sont exonérées de cotisations salariales à l’expression de la contribution sociale généralisée – CSG -, de la contribution au remboursement de la dette sociale – CRDS – et de charges patronales, la loi de financement de la sécurité sociale 2019 ayant même supprimé le forfait social de 20 % pour les entreprises de moins de 250 salariés).
Mais, en complexifiant la mise en place d’une mesure qui avait l’attractivité de la simplicité, le gouvernement prend le risque que certaines entreprises non couvertes par un accord d’intéressement, ne tournent le dos au renouvellement d’une prime qu’ils avaient pourtant versé en 2019 ou qu’ils auraient versé sans l’ajout de cette condition supplémentaire.
De fait, l’inconnue face aux obligations découlant d’un dispositif d’intéressement que peu de petites entreprises connaissent, la crainte des conséquences sociales et fiscales (perte des exonérations et risque de redressement URSSAF) en cas de mise en place mal ordonnancée d’un accord soumis à un contrôle de l’administration ainsi que la méfiance vis-à-vis du coût global supporté par l’entreprise en fonction des objectifs fixés dans l’accord bloquent le plus souvent les structures mal ou peu équipées pour se doter de ce type de dispositif.
Certes, l’administration a prévu qu’elle mette à disposition des entreprises des accords types et que, à titre exceptionnel, elle autorise que la durée de l’accord d’intéressement puisse porter sur une durée inférieure à 3 ans, sans pouvoir être inférieure à 1 an, si cet accord est conclu entre le 1er janvier et le 30 juin 2020.
Reste que cela risque de paraitre suffisamment difficile à mettre en œuvre pour décourager certaines entreprises pourtant bien intentionnées au départ qui verront peut-être dans cette nouvelle obligation une manière de leur imposer un dispositif qui restait jusqu’à présent entièrement optionnel.
Un régime spécial pour les associations
La loi a toutefois prévu un régime dérogatoire en faveur de certaines associations et fondations les exonérant de l’obligation de conclusion d’un accord d’intéressement avant de pouvoir verser la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat tout en bénéficiant des exonérations fiscales et sociales.
Initialement annoncé pour l’ensemble des associations loi de 1901, le texte final n’a retenu la dispense au seul profit des associations et fondations à but non lucratif et reconnues d’utilité publique, qui poursuivent un but d’intérêt général et qui sont autorisées, à ce titre, à recevoir des dons ouvrant droit à réduction d’impôt.
Néanmoins, une instruction de la Direction de la sécurité sociale du 15 janvier 2020, diffusée le 12 février, apporte des clarifications sur les principales interrogations relatives aux conditions d’attribution et de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat.
Parmi ces dernières, l’annexe 2.2 précise que pour respecter l’intention du législateur, cette exemption concerne l’ensemble des associations et fondations reconnues d’intérêt général, celles visées aux articles 200 1° b et 238 bis 1° a du CGI comprises (donc celles ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, etc.
Charles-Emeric Le Roy, Associé, GMBA
Tribune « Social » N°615, P.39, jurisassociations, 15 mars 2020.
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