La loi El Khomri, une loi qui facilite sans simplifier

Points de vue d’expert | 16 janvier 2017

 

La Loi relative au Travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs a été adoptée et promulguée le 8 août 2016 (JO du 9 août 2016). Cette Loi, fortement médiatisée sous le nom de Loi El Khomri, a été contestée et a déchaîné les passions alors même que ses effets concrets sur le quotidien de l’entreprise restent en définitive très limités.

En synthèse, la Loi commence le chantier de la facilitation de la négociation collective, et poursuit le travail de réécriture qui a été initié par les Lois de 2004 et de 2008.

Ce texte de 240 pages comporte de très nombreuses dispositions (120 articles au total dont 5 invalidés), dont les mesures majeures sont : 

 

1. Refonte du Code du travail…

… selon 3 axes : les mesures relevant de l’ordre public, de la négociation collective et les dispositions supplétives. Proposé d’ici 2 ans, en instaurant une place centrale à la négociation collective (facilitée pour les petites et moyennes entreprises), ce chantier est à mettre en perspective avec l’inversion des normes (le fameux article 2, contre lequel les syndicats ont appelé à descendre dans la rue, alors que cette mesure est en réalité effective depuis 2008).

  • Inversion des normes : 

La hiérarchie des normes fait désormais prévaloir les accords d’entreprise sur les accords de branche. Toutefois, cette possibilité ne concerne pas les clauses dites de verrouillage : salaires minima, classifications, garanties collectives (prévoyance et mutuelle). La Loi ne simplifie toutefois rien et il restera nécessaire de toujours vérifier quel droit s’applique en fonction des sujets.

  • Progrès en matière de négociation collective :

Il s’agit de la possibilité de conclure un accord collectif avec des délégués syndicaux sur tous les sujets ouverts à la négociation collective,  l’accord devant ensuite être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés (à moins que le délégué syndical n’ait une majorité d’au moins 50 %, dans quel cas il n’y aura pas besoin de référendum). 

En l’absence de délégués syndicaux, les élus du personnel peuvent désormais négocier sur des sujets limités à ceux nécessitant un accord collectif, en se contentant d’en informer la commission paritaire de branche, alors qu’avant la validation par cette commission était requise. Ceci constitue une importante avancée pour les PME.

Si l’entreprise n’a pas d’élu ou si aucun élu ne s’est manifesté, il est possible de négocier avec des salariés mandatés par un syndicat, sur tous les sujets, l’accord devant ensuite être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. Les branches sont invitées à conclure des accords types, ou « clefs en main », que les entreprises de moins de 50 salariés pourront appliquer directement, sans avoir à se doter de leur propre accord collectif.

Pour la quasi-totalité des dispositions relatives à la durée du travail, il sera donc possible de déroger à la Loi par accord collectif. Pour exemple :

  • Majoration moindre des heures supplémentaires (par accord d’entreprise ; à défaut, l’application de l’accord de branche demeure)
  • Aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine.
  • Contingent d’heures supplémentaires supérieur au contingent légal.

Les Décrets relatifs à la durée du travail sont parus et les mesures entreront en vigueur le 1er janvier 2017.

 

2. Le licenciement économique

Les facteurs de difficulté économique sont désormais plus souples, ce qui laisse plus de flexibilité à l’employeur. A titre d’exemple, dans une entreprise de moins de 11 salariés, une baisse significative du chiffre d’affaires au cours d’un trimestre, en comparaison avec la même période de l’année précédente, est désormais un motif suffisant pour procéder à un licenciement économique.

Ces nouvelles règles sont rentrées en application depuis le 1er décembre 2016.

 

3. L’assouplissement des règles en matière de suivi médical

Il s’agit de la suppression de la visite médicale d’embauche systématique et du passage d’un système de gestion globale à un suivi individualisé, notamment pour répondre aux difficultés de gestion rencontrées par les centres de médecine du travail. Le processus de reclassement d’un salarié déclaré inapte est enrichi, tandis que la procédure qui permet de le licencier est, quant à elle, assouplie. 

Ces mesures entreront en vigueur le 1er janvier 2017.

 

4. La sécurisation du forfait jours

…avec, notamment, l’instauration de nouvelles obligations de l’employeur concernant la charge de travail du salarié ainsi que la création d’un droit à la déconnexion.

 

5. La prise en compte de positions jurisprudentielles

Il s’agit, par exemple, de la possibilité officielle de prendre des congés par anticipation.

 

Pour conclure, il s’agit d’une Loi fortement contestée et adoptée en force par le gouvernement, dont la plupart des effets concrets ne sont pas encore connus. Pour l’heure, la moitié des décrets d’application ont été publiés le 18 novembre 2016, pour une prise d’effet début 2017.