Qualification juridique : entre bénévolat et salariat

Points de vue d’expert | 24 juillet 2018

QUALIFICATION JURIDIQUE : ENTRE BENEVOLAT ET SALARIAT

Nos experts Michel Gire, associé-gérant du cabinet et Mathilde Mezzeta, juriste spécialisée en droit de la propriété intellectuelle, en droit des affaires et en droit social ont pris la parole sur : 
Bénévolat et salariat : les contours de ces notions sont distincts mais en même temps très proches.  Appliquer les règles et usages propre aux recours aux bénévoles permet de limiter le risque de requalification en salariat. Explications.

Les associations ont fréquemment recours aux bénévoles et peuvent être tentées de leur accorder des avantages financiers et/ou en nature. Il leur est donc indispensable de connaître le statut du bénévolat et celui du salariat pour éviter les risques de requalification.

CRITERES DE DISTINCTION 

Le bénévolat se définit par une participation librement consentie au fonctionnement ou à l’animation de l’association sans contrepartie financière, qui ne peut donner lieu à cotisation et à reconnaissance d’un assujettissement à un régime de sécurité sociale. Le salariat s’apprécie quant à lui à partir des trois critères classiques du contrat de travail : une rémunération, une prestation et un lien de subordination. Dès lors que ces critères classiques sont réunis, la qualification de l’activité salariée entraîne l’application  de l’ensemble de la réglementation du travail et de la protection sociale du régime de Sécurité Sociale dont dépend l’employeur. A partir de ce premier constat, on peut opérer une distinction claire en s’appuyant sur les deux éléments que sont l’absence de lien de subordination et de rémunération. 

LIEN DE SUBORDINATION 

Pour être considérée comme une activité bénévole, la participation à l’activité de l’association exclut l’existence d’un lien de subordination. 2 Un bénévole est une personne physique qui, de sa propre initiative et de manière volontaire, décide d’agir dans l’intérêt d’une association pour permettre à cette dernière de réaliser l’objet pour lequel elle a été constituée. La Cour de cassation a défini le faisceau d’indices par lequel la qualité de bénévole et reconnue en milieu associatif : l’intéressé n’a aucun horaire de travail, gère lui-même son activité, choisit les activités selon son bon vouloir et selon les modalités qu’il détermine lui-même. 

Le lien de subordination a également été défini par la Cour « comme « l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur donne détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail »  

Ainsi, le lien de subordination se caractérise par trois critères : le pouvoir de direction, le pouvoir de contrôler et le pouvoir de sanction de l’employeur. 

Un bénévole doit donc exercer son activité en toute indépendance et liberté et reste libre d’y mettre un terme sans procédure ni dédommagement. Si la rémunération constitue, avec le lien de subordination, un élément essentiel de la relation salariale, l’absence de rémunération entraîne l’absence de contrat de travail. 

Rémunération 

Il existe une indifférence concernant l’objet de la rémunération. Celle-ci peut revêtir deux formes : une rémunération en espèces  ou des avantages en nature. La rémunération en espèces est entendue comme toute somme versée en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires, indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent. La rémunération en nature ou contrepartie en nature, peut se concrétiser par l’hébergement ou le logement, les repas, la mise à disposition d’un véhicule et, d’une façon plus générale, la participation financière à toute dépense incombant normalement un salarié. Plus exactement les défraiements perçu par un bénévole ne doivent pas excéder le strict remboursement des frais dits professionnels. A cet égard, les juges se sont montrés exigeants en ne se prononçant pas en faveur des associations que sur des éléments comptables probants. Ainsi, la Cour de cassation a pu juger, concernant une association sportive, que « les fiches comptables produites par le club pour établir que les sommes versées à l’intéressé  avaient constitué des remboursements de frais et non des salaires n’étaient pas probantes en l’absence de signature identifiable y figurant tandis qu’au contraire le caractère forfaitaire de l’allocation versée  et son montant étaient de nature à établir le contraire ».

REQUALIFICATION DU BENEVOLAT EN SALARIAT 

Une requalification du bénévole en salarié est possible dès lors que sont réunis la perception d’une rémunération excédent le strict remboursement des frais professionnels et l’exercice de l’activité « bénévole » dans des conditions révélatrices d’un lien de subordination. 

Conséquences d’une requalification 

Sur le plan civil, la requalification entraine l’application de l’ensemble de la réglementation du travail et de la protection sociale, mais avec des pénalités. Tout d’abord, l’association peut être condamnée à payer au salarié une indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire brut pour réparer l’atteinte à ses droits sociaux. Cette indemnité est cumulable avec les salaires et autres indemnités auxquelles ce dernier peut prétendre du fait de la rupture du contrat de travail. A l’égard des organismes sociaux, l’association peut également faire l’objet de sanctions administratives. 

Sur le plan pénal, le défaut de déclaration préalable à l’embauche de l’intéressé, tout comme celui du non-établissement des déclarations sociales ou du bulletin de paie, sont des infractions pénales constitutives du délit de travail dissimulé. La personne qui a recours au travail dissimulé directement ou par personne interposée encourt jusqu’à 3 ans d’emprisonnement, et 45 00 euros d’amende -225 000 euros s’il s’agit d’une personne morale. Il existe également des sanctions complémentaires à cette peine et une solidarité  de donneurs d’ordre de maître d’ouvrage.  

Quelques points de vigilance 

Suite à ces constats, il est important de rester vigilant et de s’attarder sur les règles et usages propres au recours à des bénévoles. Les associations peuvent  par exemple attribuer à leurs bénévoles des tickets repas qu’ils prennent à l’occasion de leur activité associative. La décision d’attribution doit faire l’objet d’une délibération de l’assemblée générale de l’association. L’indemnisation perçue par un bénévole ne doit pas excéder le strict remboursement des frais professionnels, qui doivent correspondre à des dépenses réelles et justifiées. En pratique, le bénévole devra être remboursé à l’euro près sur présentation de factures, billets de train ou encore notes de restaurant. 

La signature du contrat de bénévolat n’exclut pas l’existence d’un contrat de travail si les conditions sont réunies.  Il y a contrat de travail lorsque l’intéressé suit les directives de l’association et perçoit une somme forfaitaire dépassant le montant de frais réellement exposés.  La loi du 23 mai 2016 est venue mettre en place et délimiter le champ du « contrat de volontariat », lequel a principalement pour objet l’accomplissement d’une mission d’intérêt général revêtant  notamment un caractère éducatif, sportif et social. 

Enfin, dans le cas particulier d’une personne ayant le statut de salarié et exerçant également l’activité de bénévole au sein de la même association, il est fortement conseiller de distinguer le temps de travail correspondant à l’activité salariée du temps consacré à la collaboration bénévole.

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3  Soc 13 nov. 1996, n° 94-13.187

2 Soc 31 mai 2001, n° 99-21.111

Article paru dans jurisassociations 573 le 15 février 2018 p41.