Coopératives agricoles : fondements et particularités

Points de vue d’expert | 26 février 2024

Cette forme d’entreprise née à la fin du XIXème siècle pourrait sembler dépassée et potentiellement inadaptée au monde moderne. Pour autant, en 2022 les quinze principaux groupes coopératifs agricoles français génèrent des chiffres d’affaires dépassant le milliard et demi d’euros. Six d’entre eux se classent dans le top 20 des groupes coopératifs européens et deux figurent dans le top 20 mondial.

De plus, un tiers des marques alimentaires appartiennent à des coopératives agricoles. En 2022, 1 850 coopératives agricoles et unions sont présentes sur le territoire français et plus de 3 agriculteurs sur 4 adhèrent à au moins une coopérative agricole.

Ces données économiques démontrent le dynamisme de ces structures. Il est nécessaire d’avoir une bonne compréhension de leurs particularités pour réaliser une mission d’audit, notamment sur les points suivants.

Fondements du contrat coopératif

Les statuts de la coopérative agricole reprennent les dispositions de modèles de statuts définis par le code rural et de la pêche maritime (CRPM), en fonction de la nature de l’activité. La coopérative agricole est le prolongement de l’activité des agriculteurs et repose sur un contrat d’adhésion basé sur un double engagement, de la part de ses adhérents coopérateurs.

D’une part, l’agriculteur s’engage à apporter tout ou partie de sa production à la coopérative ou à s’approvisionner en tout ou partie auprès d’elle ainsi qu’à utiliser ses services ; d’autre part, il s’engage à souscrire du capital en proportion de son activité. En contrepartie, la coopérative agricole s’engage à prendre livraison des apports des adhérents coopérateurs ou à fournir des biens et des services nécessaires à leur activité.

Ce lien réciproque constitue l’une des forces du système coopératif. Il se traduit par une obligation de souscription de capital en fonction de l’activité de l’adhérent, formalisant ainsi son engagement. Peu importe le nombre de parts sociales détenues, chaque associé a droit à une seule voix en assemblée générale conformément au principe « Un homme, une voix ». Un autre principe est celui de « l’a-capitalisme » qui ne confère aucun droit sur les réserves pendant la vie sociale. Ainsi, les parts sociales souscrites seront remboursées au nominal à l’issue de sa période d’engagement.

En revanche, l’associé coopérateur va répondre des dettes sociales de sa coopérative jusqu’à deux fois les parts souscrites et ce, pendant cinq ans après son retrait.

Fiscalité avantageuse

Les coopératives agricoles sont soumises à l’impôt sur les sociétés mais cette imposition est fortement atténuée pour les activités réalisées avec les associés coopérateurs relevant de l’objet statuaire principal, qui sont exonérées. Il est donc indispensable que les coopératives agricoles respectent leurs statuts et les dispositions du CRPM qui les encadrent. Une activité avec des tiers non associés est possible dans certaines limites, mais le résultat de cette activité sera soumis à l’impôt sur les sociétés et ne sera pas distribuable.

Plan comptable particulier

Les particularités des coopératives agricoles se reflètent également dans le plan comptable général qu’elles appliquent, complété par les dispositions particulières du règlement ANC n° 2021-01. Ce règlement prévoit des dispositions spécifiques du plan de comptes et de la présentation des états financiers, notamment pour le traitement des réserves, des subventions, de l’affectation du résultat, en lien avec les dispositions statutaires issues du CRPM.

Singularité du mode de gouvernance

La coopérative agricole reste, avant tout, un modèle participatif qui, sur la base d’un homme, une voix, désigne en assemblée générale les membres du conseil d’administration chargés d’assurer la gestion et de prendre toutes les décisions nécessaires à son bon fonctionnement. Le conseil d’administration peut nommer un directeur qui n’est pas un mandataire social et qui exerce ses fonctions sous son contrôle.

La fonction d’administrateur est gratuite. L’assemblée générale vote chaque année des budgets distincts pour les indemnités de temps d’une part, et d’autre part pour la formation des administrateurs.

Dispositions spécifiques pour le contrôle légal des comptes

La coopérative agricole doit faire certifier ses comptes annuels lorsqu’elle dépasse deux des trois critères suivants :

  • 10 salariés (CDI),
  • 534.000 € de chiffres d’affaires hors taxes,
  • 267.000 € de total du bilan,

Elle est tenue d’avoir recours, pour cette certification, à un commissaire aux comptes ou au service d’une fédération agréée pour la révision mentionnée au CRPM. La mission confiée est une mission légale exercée dans les conditions prévues par le code de commerce.

En résumé, l’examen approfondi des coopératives agricoles révèle un modèle d’entreprise robuste et évolutif, étayé par une gouvernance participative et des pratiques financières spécifiques. Ces organisations, bien qu’ancrées dans une histoire centenaire, démontrent une remarquable capacité à s’adapter aux exigences économiques et réglementaires contemporaines. Une compréhension approfondie de ces particularités juridiques, fiscales et comptables est essentielle pour tout auditeur ou professionnel appelé à intervenir dans ce secteur dynamique. Leur engagement en faveur du développement durable et leur contribution à la sécurité alimentaire en font des acteurs incontournables de l’agriculture moderne ; elles sont aussi par ailleurs soumises aux mêmes obligations que les sociétés commerciales en matière de CSRD.

Source :

  • La coopération Agricole – évolution économique 2022
  • Observatoire économique HCCA 2023 (clôture 2022)