Activité partielle : la nécessaire adaptation des aides à l’emploi

Actualités | 19 avril 2021

Outre l’allocation d’activité partielle et les exonérations de cotisations sociales propres à ce régime, d’autres aides à l’emploi ont été remodelées en complément de l’activité partielle.

CRISE SANITAIRE 

Face à la pérennisation de la crise économique et sanitaire, les aides à l’emploi ont été renforcées. L’activité partielle est un mécanisme transformé et en continuelle évolution pour s’adapter à la situation. 

Etude 

L’arrivée en mars 2020 de la crise sanitaire en Europe, et plus spécifiquement en France, a conduit un nombre significatif d’entreprises et d’associations à demander le soutien de l’État pour faire face aux charges salariales (salaires et charges sociales). Un besoin confirmé par les statistiques de la Dares qui indiquent que 6,9 millions de salariés étaient placés en activité partielle en mars 2020 et 2,9 millions en novembre 2020

Dans ce contexte, le recours à l’activité partielle, mécanisme déjà modernisé par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, a été adapté à différentes reprises pour faire face aux besoins économiques et financiers des employeurs. 

 

L’activité partielle, un mécanisme déjà existant 

La loi du 14 juin 2013 et la circulaire d’application du 12 juillet 2013 ont modifié en profondeur le mécanisme de l’activité partielle, devenu un dispositif unique au recours facilité pour les employeurs. Il prévoyait ainsi la possibilité pour les entreprises de réduire ou supprimer le temps de travail des salariés pour une période de six mois, renouvelable une fois, sous réserve de souscrire des engagements portant notamment sur la formation, sur le maintien de l’emploi, sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ou encore sur le redressement de la situation économique si le renouvellement intervenait dans la même période de 36 mois. 

Le salarié percevait une indemnité de son employeur égale à 70 % de sa rémunération horaire brute – 100 % de la rémunération nette horaire en cas de formation ou de salaire égal au Smic – et l’employeur, en retour, recevait une allocation de l’État de 7,74 euros par heure chômée par salarié pour une entreprise de moins de 250 salariés et de 7,23 euros au-delà. Il était possible, sauf exception, d’indemniser jusqu’à 1  000 heures par an par salarié au titre de l’activité partielle. Le délai d’instruction de la demande d’activité partielle par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), préalable à la mise en œuvre du dispositif, était de 15 jours. 

 

Les évolutions de l’activité partielle au gré des restrictions sanitaires 

Le mécanisme a été assoupli dès le début de la crise sanitaire. Délai d’instruction réduit à 48 heures, demande réalisée dans les 30 jours de la mise en œuvre du dispositif, allocation employeur plus favorable ou encore contingent d’heures indemnisées et durée de recours augmentés : l’activité partielle a été repensée pour s’adapter aux conditions inédites d’activité liées au Covid-19. 

À grand renfort d’ordonnances et de décrets, l’administration a progressivement apporté quelques éclaircissements sur certaines particularités, comme la prise en compte des salariés au forfait en jours ou la gestion des heures supplémentaires (convention collective de secteurs spécifiques et/ou convention de forfait en heures), et a précisé les modalités de calcul du salaire de référence. 

L’indemnité d’activité partielle correspond à 70 % de la rémunération horaire brute du salarié. Comme pour le dispositif issu de 2013, l’indemnité versée aux salariés est exonérée de cotisations sociales, à l’exception de la CSG et de la CRDS qui restent dues au taux de remplacement. Ce régime de faveur permet à la fois à l’employeur de faire l’économie de charges sociales et au salarié d’avoir un net perçu plus important – 70 % du salaire brut équivaut ainsi normalement à 85 % du salaire net

Le complément de salaire éventuellement versé par l’entreprise peut également bénéficier d’exonérations de cotisations sociales en fonction des conditions de mise en œuvre (accord collectif ou décision unilatérale). 

Pour maintenir les couvertures des salariés, les organismes de santé et de prévoyance ont demandé aux entreprises de continuer à cotiser sur la base d’un salaire rétabli. La loi du 17 juin 2020 a ensuite rendu obligatoire le maintien de ces cotisations pendant la période d’activité partielle. 

À plusieurs reprises, l’État a annoncé la réduction de l’indemnisation des salariés et de l’allocation versée aux employeurs. Ces annonces ont néanmoins fait l’objet de reports ou d’aménagements systématiques en raison d’un contexte sanitaire qui ne s’améliorait pas. Ainsi, l’État a prolongé les conditions d’indemnisation des salariés et de remboursement des employeurs pour les secteurs les plus impactés par la crise (secteurs dits « S1 », « S1 bis sous conditions » et secteurs visés par une fermeture administrative), tout en reportant la baisse d’indemnisation pour les entreprises du secteur général, lesquelles sont néanmoins remboursées, depuis le 1er juin 2020, à hauteur de 60 % de la rémunération brute horaire des salariés, dans la limite de 4,5 fois le Smic, alors qu’il n’y avait aucun reste à charge pour l’employeur au début de la crise. 

Les décrets du 29 janvier 2021 prévoient donc de nouveaux aménagements pour les taux d’indemnisation et de remboursement à compter du mois de mars 2021 – notamment la baisse du taux de l’allocation versée à l’employeur à 36 % de la rémunération brute horaire du salarié. Deux ordonnances du 10 février 2021 prolongent la modulation des taux jusqu’au 31 décembre 2021 et mettent en place un nouveau critère pour permettre aux entreprises des secteurs protégés les plus en difficulté de bénéficier d’un taux d’allocation majoré sur une durée plus longue. 

 

Exonération de cotisations sociales et aide au paiement 

C’est avec la troisième loi de finances rectificative pour 2020, complétée ensuite par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 et par un décret du 27 janvier 2021, que sont instaurés les mécanismes d’exonération de cotisations sociales et d’aide au paiement. Jusqu’alors, il était seulement possible de demander le report du paiement des cotisations sociales par simple déclaration auprès de l’Urssaf ou des organismes de prévoyance ou retraite complémentaire. Avec cette loi, les employeurs ont donc pu bénéficier à la fois : 

  • d’une exonération des cotisations et contributions sociales entrant dans le champ de la réduction générale de cotisations patronales – à l’exception des cotisations de retraite complémentaire légalement obligatoires – après application de toute exonération partielle ou totale de cotisations sociales ; 
  • d’une aide au paiement égale à 20 % du montant des rémunérations au titre des périodes d’emploi ouvrant droit aux exonérations, et ce après application totale des exonérations créées par la loi ou toute autre exonération applicable. 

En fonction des phases de confinement ou de couvre-feu, le bénéfice de ces aides est subordonné à plusieurs conditions portant notamment sur la taille de l’entreprise, le secteur d’activité, l’éventuelle perte de chiffre d’affaires et la période de fermeture administrative. 

 

La récente convergence entre les aides à l’emploi et l’activité partielle 

Pendant une longue période, les secteurs protégés dits « S1 » et « S1 bis » étaient issus de deux décrets différents, plusieurs fois amendés, ce qui donnait parfois lieu à des complexités et incohérences de traitement d’un même secteur – certaines entreprises en difficulté pouvant bénéficier de l’exonération et de l’aide au paiement des cotisations sans pour autant être éligibles au taux majoré d’allocation d’activité partielle de 70 %. 

Le décret du 21 décembre 2020 a remédié à la situation en harmonisant les listes S1 et S1 bis pour le dispositif d’exonération et d’aide au paiement des cotisations et pour le bénéfice du taux majoré d’activité partielle à 70 %. Il intègre également de nouveaux secteurs d’activité

Le texte prévoit, en outre, la rétroactivité de la prise en charge par l’État de l’activité partielle à un taux majoré à partir du 1er juin 2020. Les secteurs nouvellement inscrits sur les listes S1 et S1 bis bénéficient dorénavant d’un taux majoré d’activité partielle de 70 % à compter de cette date. 

 

Un régime spécial pour les associations subventionnées par des fonds publics 

À l’instar des entreprises, les associations peuvent bénéficier de l’activité partielle. Toutefois, une attention particulière doit être portée aux associations subventionnées bénéficiant de l’activité partielle : le ministère du Travail a précisé que le recours à l’activité partielle ne pouvait avoir pour effet de financer deux fois les charges de personnel – une première fois par des subventions et une seconde fois par l’activité partielle. En cas de contrôle amenant au constat d’un effet d’aubaine, les subventions pourraient être revues à la baisse. 

 

Un système à bout de souffle ? 

La crise sanitaire aura au moins eu ce mérite : démocratiser l’activité partielle, un mécanisme d’aide d’État jusqu’alors peu connu. Elle aura également mis en exergue les efforts conséquents réalisés par l’administration, pourtant peu réputée pour sa flexibilité et sa rapidité d’adaptation, pour mettre en œuvre des mesures d’aide pour les employeurs. Sans oublier les nombreux couacs techniques des premiers mois, il est néanmoins important de souligner l’ampleur du défi technique relevé par les services de la Direccte, qui sont passés de quelques centaines de demandes par mois avant la crise sanitaire à plusieurs centaines de milliers de demandes dans les premières semaines. 

Reste toutefois certaines incohérences auxquelles l’administration n’a toujours pas apporté de réponses, parmi lesquelles on retrouve, de manière non exhaustive, l’impossibilité d’effectuer des demandes d’indemnisation sur le nombre d’heures réelles lorsque le salarié effectue des heures supplémentaires, le traitement des demandes d’indemnisation effectuées sur des périodes décorrélées du mois civil ou encore la rétroactivité de l’indemnisation de l’activité partielle. 

Les mois passant, l’administration a complexifié à outrance un système d’aide qui se voulait réactif et simple, ajoutant de fait un stress supplémentaire pour les employeurs et les salariés déjà mis à rude épreuve. 

 

Zoom sur… 

L’activité partielle de longue durée (APLD) 

Depuis le 17 juin 2020, le gouvernement propose, en parallèle de l’activité partielle de droit commun, la mise en place d’une activité partielle dite de « longue durée », ou dispositif spécifique d’activité partielle en cas de réduction d’activité durable, afin d’accompagner les entreprises au retour d’une stabilité financière et d’éviter les licenciements pour motif économique

Le dispositif prévoit une indemnisation constante des salariés à hauteur de 70  % du salaire brut (allocation employeur de 60  %) et permet d’anticiper une activité réduite sur une longue période (24 mois maximum sur une période de 36 mois consécutifs). En revanche, la mise en œuvre de l’activité partielle de longue durée nécessite la rédaction d’un document spécifique (accord collectif ou document unilatéral) préalablement approuvé par l’administration et ne permet pas une activité partielle « totale » des salariés puisque celle-ci est généralement limitée à 40 % de la durée du travail du salarié sur l’ensemble de la période d’activité partielle. 

Avec le rebond de l’épidémie au dernier trimestre 2020, la baisse prévue de l’indemnité d’activité partielle de droit commun n’a pas eu lieu et l’indemnisation au titre de l’activité partielle de droit commun et celle au titre du dispositif spécifique sont actuellement identiques. L’intérêt de ce dispositif semble donc relatif tant que perdure ce niveau d’indemnisation lié aux périodes de confinement, couvre-feu et fermetures administratives. 

La ministre du Travail, Élisabeth Borne, a indiqué le 14 janvier 2021 que plus de 6 000 entreprises étaient en activité partielle de longue durée – ce qui représente plus de 420 000 salariés – et que 39  accords de branche avaient été conclus sur le sujet. 

 

 

Rédigé par Charles-Emeric LE ROY, Associé GMBA

Article extrait de Jurisassociations, n°635 du 15/03/21