Contrôle fiscal pour les associations

Points de vue d’expert | 15 juin 2021

Contrôle fiscal : pour une association, l’anticipation est la clé pour faire face à un éventuel contrôle fiscal.

Elle repose sur une connaissance des zones de risque et une organisation intégrant la dimension fiscale. Le plus souvent, l’association contrôlée ne dispose que de 15 jours environ entre l’avis de vérification et le premier rendez-vous.

Des points d’attention pour anticiper !

Les associations sont des contribuables comme les autres, contrôlables par l’administration fiscale. Il est donc essentiel de présenter des points d’attention pratiques afin de leur permettre de s’organiser tout au long du déroulement de leur activité et d’intégrer la dimension fiscale dans leur organisation.

Le contrôle fiscal n’est pas un sujet étranger aux associations, bien au contraire. Et ce d’autant plus qu’elles mènent des opérations qui leur sont propres, autres motifs de contrôle que ceux applicables aux entreprises. Voici donc un passage en revue des principaux points de contrôle spécifiques aux associations.

 

Non-lucrativité

La non-lucrativité d’une association doit être une zone de surveillance constante car, mal maîtrisée, elle peut avoir de lourdes conséquences. En effet, le régime fiscal des associations prévoit l’exonération des impôts commerciaux[1] – taxe sur la valeur ajoutée (TVA), impôt sur les sociétés, contribution économique territoriale (CET) – sous réserve de respecter différentes conditions : avoir une gestion désintéressée et ne pas concurrencer le secteur commercial ou, à tout le moins, ne pas exercer son activité dans des conditions similaires à celles d’une entreprise.

Le caractère désintéressé sera respecté en l’absence de rémunération des dirigeants ou en présence d’une rémunération ne dépassant pas les trois quarts du Smic ou, pour les plus grosses associations, dans le cadre défini par l’article 261, 7, 1o, d) du code général des impôts (CGI). À ce titre, il convient de souligner qu’il sera recherché aussi bien les dirigeants dûment mandatés que ceux bénéficiant d’une large délégation de pouvoir, la direction de fait étant alors en question.

L’analyse de la non-concurrence du secteur commercial se fait en plusieurs étapes, mettant ainsi en évidence des faisceaux d’indices. La première étape doit permettre d’identifier si l’association concurrence ou non le secteur commercial en recherchant si les activités exercées par elle sont de même nature que celles d’une entreprise, et ce dans la même zone géographique, aussi bien au niveau local que national.

En cas de constat d’une activité concurrentielle, il convient de recourir à la méthode des « 4 P » permettant d’étudier le produit, le public, le prix et la publicité[2]. Celle-ci permet d’examiner si l’association réalise une activité se déroulant dans les conditions similaires à celles que mettrait en œuvre une entreprise. L’ensemble de cette analyse doit être mené activité par activité.

L’analyse de la lucrativité peut mettre en évidence des recettes commerciales dont le niveau, au regard des autres recettes, peut conduire à les qualifier d’accessoires. Ici intervient un autre point de vigilance : il est en effet toléré d’exercer une activité lucrative dès lors que cette dernière reste accessoire par rapport à l’activité non lucrative et qu’elle ne dépasse pas un seuil de 72  432 euros[3]. Cette tolérance permet à l’association de rester qualifiée de non lucrative et de ne pas être soumise aux impôts commerciaux. En cas de franchissement de ce seuil ou si les activités non lucratives ne sont plus significativement prépondérantes, l’association sera alors, dans le premier cas, assujettie aux impôts commerciaux sur ses activités lucratives dès le premier euro ou, dans le second cas, globalement assujettie aux impôts commerciaux.

Ainsi, des évolutions inhérentes à l’association, telles l’augmentation de la rémunération des dirigeants au-delà des plafonds autorisés ou la réalisation d’une activité concurrentielle supérieure au seuil admis, peuvent lui faire courir le risque de basculer dans la fiscalisation. Plus globalement, au cours de son existence, l’association peut avoir modifié, étendu ses activités sans avoir pris la mesure de ce changement et de son impact fiscal. Il est donc primordial de mettre en place un contrôle interne régulier, a minima une fois par an au moment de dresser les comptes de l’année. Les enjeux sont majeurs, la fiscalisation conduisant à l’assujettissement aux trois impôts commerciaux.

Enfin, l’association peut décider de réaliser une activité lucrative en la sectorisant ou en créant une entité distincte par le biais de la filialisation : cela appelle alors une nouvelle vigilance fiscale[4]. En cas de sectorisation, il faudra pouvoir la justifier par de la documentation précise et déterminer des critères d’affectation des charges et produits qui devront être fournis dès la première demande de l’administration fiscale. En cas d’activité mixte, il conviendra de pouvoir justifier la répartition opérée entre secteur lucratif et secteur non lucratif.

 

Subventions publiques

La perception de subventions publiques peut exposer l’association à des rectifications en matière de TVA en cas de maladresse dans la rédaction des conventions[5]. En effet, si une subvention de fonctionnement est en principe hors champ d’application de la TVA, une convention qui serait qualifiée de complément de prix emporte sa soumission à la TVA. Il en est de même si un doute existe sur l’absence réelle de contrepartie. La volonté initiale du financeur de soutenir le fonctionnement de l’association peut se trouver contredite par un défaut de rédaction ou par des obligations trop précises mises par le financeur à la charge de l’association, laissant entendre que celle-ci lui rend un service. Aussi, en veillant à ce point et en sensibilisant le financeur public en amont sur la rédaction de la convention, l’association sécurisera son financement.

 

Reçus fiscaux

En cas de délivrance de reçus fiscaux, une association est exposée à un contrôle sur place de l’administration, dans ses locaux, ce contrôle ayant pour but de s’assurer que les montants portés sur les reçus fiscaux correspondent bien aux dons et versements comptabilisés[6]. Les reçus fiscaux doivent être numérotés de façon chronologique et continue et sont à conserver pendant une durée de six années.

Il est à relever que cette procédure de contrôle n’emporte pas la vérification de l’éligibilité de l’association à percevoir des dons et à délivrer des reçus fiscaux. À ce propos, pour que les sommes reçues puissent être qualifiées de dons, l’association doit respecter un certain nombre de conditions, dont l’exercice d’une activité d’intérêt général[7]. L’association qui délivre sciemment des reçus fiscaux permettant d’obtenir un avantage fiscal indu encourt une amende dont le taux est « égal à celui de la réduction d’impôt ou du crédit d’impôt en cause et son assiette est constituée par les sommes indûment mentionnées sur les documents délivrés au contribuable. Lorsque ces derniers ne mentionnent pas une somme ou lorsqu’ils portent sur une déduction du revenu ou du bénéfice, l’amende est égale au montant de l’avantage fiscal indûment obtenu »[8].

 

Mécénat

Le mécénat doit se différencier du parrainage – ou sponsoring –, la distinction reposant sur la notion de contrepartie. Le mécénat a pour but de soutenir financièrement ou matériellement une association ayant une activité d’intérêt général sans que le donateur en retire une quelconque contrepartie, alors que le parrainage résulte de sommes versées par une entreprise à une association qui s’engage à réaliser une opération de communication ou de publicité en faveur de l’entreprise parraine.

Cette absence de contrepartie directe au profit du donateur est ainsi centrale pour que les sommes reçues restent qualifiées de mécénat. À défaut, elles deviennent des recettes commerciales pouvant, le cas échéant, faire franchir le seuil d’activités commerciales accessoires.

Une tolérance existe[9] autorisant une contrepartie s’il y a une disproportion marquée entre la somme donnée et la valeur de la contrepartie. Lorsque le donateur est un particulier, cette disproportion marquée est réputée exister si la valeur de la contrepartie ne dépasse pas 25 % de la somme reçue et, en tout état de cause, 65 euros.

 

Manuel de procédures

Le manuel de procédures prévu par le code de commerce[10] est un bon outil d’organisation comptable. Très souvent oublié, il fait pourtant partie des principes posés par le code de commerce. Certes applicable aux commerçants, il est possible de transposer cette obligation aux associations. En effet, en respect du plan comptable général (PCG)[11] auquel sont soumises les associations, il doit permettre la compréhension du système de traitement et la réalisation des contrôles. La structure et la forme du document sont libres pourvu qu’il réponde aux objectifs généraux fixés par le code de commerce. Il doit cependant y figurer le plan de classement des pièces justificatives[12].

Cette documentation devra notamment répondre aux questions relatives à l’organisation générale, pour laquelle un organigramme est toujours le bienvenu, à l’organisation comptable en identifiant les personnes en ayant la responsabilité, à l’outil utilisé pour assurer la tenue des opérations et aux modalités de traitement des documents comptables, aussi bien à leur émission qu’à leur réception. Ce manuel est aussi un outil en renfort des deux autres zones de surveillance suivantes.

 

Piste d’audit fiable

La piste d’audit fiable (PAF) vient renforcer le cheminement comptable décrit dans le manuel de procédures. Instauré en 2013, ce concept concerne la gestion des factures. Selon les termes de l’article 289, V du CGI, « l’authenticité de l’origine, l’intégrité du contenu et la lisibilité de la facture doivent être assurées à compter de son émission et jusqu’à la fin de sa période de conservation ». L’obligation de satisfaire à ces trois critères concerne toutes les entités, aussi bien pour les factures de vente que pour les factures d’achat.

L’échange de données informatisé et la signature électronique qualifiée satisfont de plein droit aux critères de l’authenticité, de l’intégrité et de la lisibilité. Ce n’est qu’en l’absence de ces deux méthodes que l’association est soumise à l’obligation d’établir une documentation en matière de PAF, que les factures soient au format papier ou électronique.

 

Outils logiciels

Les outils logiciels, et en tout premier lieu le logiciel comptable, doivent être en mesure de générer le fichier des écritures comptables (FEC)[13]. Pour les associations, l’obligation de fournir un FEC est à respecter dans l’un des trois cas suivants :

  • si elles sont soumises à l’obligation de tenue d’une comptabilité d’engagement ;
  • si elles tiennent ou font tenir leur comptabilité sur un logiciel comptable ;
  • si elles exercent une activité commerciale ou lucrative – ou que cette activité accessoire est supérieure au seuil de la franchise de 72 432 euros, précédemment mentionnée, et qu’elles sont de ce fait soumises aux impôts commerciaux.

Si l’association a une activité lucrative, le FEC n’est obligatoire que pour cette activité et non pour toute l’activité. Le passage de la non-fiscalisation à la fiscalisation devra déclencher la vérification du système comptable et de la possibilité de générer le FEC.

Sur un plan pratique, il est conseillé que l’ensemble de la comptabilité soit conforme à toutes les exigences du FEC, avec possibilité d’extraire uniquement les éléments liés à la partie fiscalisée. Une vigilance particulière doit être portée aux clés de répartition utilisées pour affecter les charges mixtes, ce point faisant fréquemment l’objet de questionnements lors des contrôles.

Enfin, en cas de transactions en espèces, le recours à un logiciel de caisse sécurisé est devenu incontournable. Obligatoire depuis le 1er janvier 2018[14] pour les entités assujetties à la TVA et en cas d’opérations réalisées avec les particuliers, le système de caisse doit satisfaire à des conditions d’inaliénabilité, de sécurisation, de conservation et d’archivage des données en vue du contrôle de l’administration fiscale. Le respect de ces quatre conditions peut être justifié par un certificat délivré par un organisme accrédité ou par une attestation individuelle de l’éditeur.

 

Conclusion

L’association peut connaître plusieurs étapes au cours de sa vie, allant de la non-fiscalisation au démarrage à une sectorisation des activités lucratives, puis à une fiscalisation complète. Au-delà de ses spécificités, elle doit donc porter une attention particulière à la dimension fiscale dans son organisation afin de fiabiliser sa chaîne administrative et comptable et, ainsi, d’être préparée à un éventuel contrôle fiscal. Ou quand anticipation rime avec sécurisation.

Christine Raffray

Directrice de mission, expert-comptable diplômée 

GMBA Walter Allinial

Pour Juris association

 


[1] BOFiP-Impôts, BOI-IS-CHAMP-10-50-10-10 du 11 mars 2020, § 100.

[2] Ibid., § 60.

[3] BOFIP-Impôts, BOI-IS-CHAMP-10-50-20-20 du 21 avr. 2021.

[4] BOFiP-Impôts, BOI-IS-CHAMP-10-50-

20-10 du 3 oct. 2018 ; v. not. JA 2021, no 634, p. 36, étude A. Bernard ; JA 2021, no 635, p. 35, étude A. Bernard ; JA 2021, no 636, p. 37, étude L. Trabelsi.

[5] Dossier « Subventions publiques – Objectif convention ! », JA 2021, no 636, p. 17.

[6] LPF, art. L. 14.

[7] L’intérêt général est caractérisé par les critères suivants : ne pas exercer une activité au profit d’un cercle restreint de personnes, exercer une activité non lucrative et avoir une gestion désintéressée.

[8] CGI, art. 1740 A.

[9] BOFiP-Impôts, BOI-IR-RICI-250-20 du 12 sept. 2012, § 90 et 100 ; BOFiP-Impôts, BOI-BIC-RICI-20-30-10-20 du 3 févr. 2021, § 160.

[10] C. com., art. R. 123-172.

[11] PCG, art. 410-2.

[12] Ibid., art. 420-3.

[13] LPF, art. L. 47 A.

[14] CGI, art. 286, I, 3obis.